A la base, j'étais parti pour me donner une année complète pour effectuer cette transition, en envisageant deux scénarios :
- "Donne-toi du temps, essaie d'être patient une fois dans ta vie, si ça foire au moins tu n'auras pas de regrets à ne pas avoir tenté l'expérience...."
- "Si tu pousses au contraire l'expérience jusqu'au bout et que ça donne parfois l'impression de trainer en longueur, dis-toi que ça vaudra probablement le coup de savoir ce que ça peut t'apporter au final."
Et puis après tout on n'a qu'une vie, et un an dans une vie, qu'est-ce-que c'est ? Peanuts.....
Franchement, à mi-parcours, j'ai l'impression d'avoir commencé avant-hier. Cette impression déjà vécue dans pleins d'autres domaines qui vous fait dire que plus l'âge passe, plus vite les années filent. Mais là, on est dans le "plus Vite" avec une majuscule à "Vite", genre tu donnais le biberon à ton gamin hier et aujourd'hui il a grandi, devient ado et prend deux jours et demi pour se rendre du salon à la cuisine en trainant les pieds (et pourtant je vous promets qu'on est trèèèèèès loin d'habiter un château), dans ce style si particulier qu'ont les 13-16 ans de porter toute la misère du monde sur leurs frêles épaules à chaque seconde que le seigneur leur impose.
Impression déjà vécue également au boulot : arrivé janvier, j'ai toujours coutume de dire "Ca y est, l'année est pratiquement finie...." (l'année scolaire j'entends, faut pas tomber dans l'exagération non plus). Je ne dis pas que des conneries (pour une fois), la preuve c'est que d'autres collègues le disent aussi, c'est que ça doit donc être vrai (ne JAMAIS contredire un prof. On a choisi ce métier uniquement pour avoir raison tout le temps. On sait pertinemment que c'est faux, mais c'est notre kif à nous. Ce qu'on n'avait pas prévu, c'est que les ados d'aujourd'hui ne l'entendent pas de cette oreille....). A peine un mois après la reprise post-gavage-du-31-décembre donc, les notes du 2ème trimestre sont cloturées, conseils de classe, réunions parents-profs, vacances, et on se retrouve avec le printemps, le beau temps, re-vacances, on fait une petite sieste entre deux corrections de copies et on se retrouve fin juin. Et allez, une de faite, l'addition s'il-vous-plait !
- la progression ne va pas s'arréter là : objectif semi en juin, et probablement l'envie d'augmenter la distance et/ou le format par la suite. Et là, je vais à nouveau avoir le choix : marathon ? trails courts ou longs ? petit ultra ? Les possibilités vont être nombreuses......... En version chaussée, une fois qu'on a basculé dans l'ultra, le plafond est vite atteint. Attention, ce point de vue n'engage que moi, et je dis ça en toute humilité et surtout avec un énormissime respect pour tous les coureurs qui se lancent sur ce genre d'épreuve où on parle nuit(s) blanche(s) et hallucinations sous l'effet de la fatigue, parce que moi et mes petits 80 kilomètres maxi à ce jour, je suis loin d'être un caïd en la matière, et ledit plafond, et bien il se trouve que je ne l'ai pas encore atteint, même pas touché du doigt d'ailleurs..... Mais je sais que même si j'avais pu passer la barre des 100 kilomètres sur une course, ça ne serait resté dans mon esprit qu'un autre ultra (avec une saveur un peu particulière certes, mais un ultra quand même). Qu'est-ce-que j'aurais envisagé comme étape suivante : 120 bornes ? 130 ? Quelle différence ? L'ultra consiste pour la plupart des coureurs à se dépasser, à voir jusqu'où on peut aller, à aller à la rencontre d'un soi intérieur dont on ne soupçonnait même pas l'existence, mais une fois qu'on a fait le mythique UTMB et ses 180 bornes autour du Mont-Blanc, on peut toujours rajouter autant de bornes qu'on veut, on est vite confronté à deux choses : d'une, le corps humain a ses limites et au bout d'un moment, ça coince, et de deux, ça reste de l'ultra, le "Ultra XXL Maxi Best Of" n'existe pas encore (si dans un futur proche fleurissent des épreuves genre "150 kilomètres à cloche-pieds", ou "130 kilomètres avec une armoire Louis XV sur le dos", ou encore "160 kilomètres en Moonwalk avec chaussures de ski deux pointures trop petites ", je ressors cet article et demande des droits d'auteur).
- au risque de me répéter, plus de blessures depuis le barefoot. Et je peux vous assurer que quand on a passé des années à se demander à quel moment de la prépa on allait devoir ressortir le vidal et aller commander une palette de Voltarène chez le pharmacien du coin, à quel moment on allait commencer un run en se disant avec un sourire optimiste "c'est un peu raide au niveau des ischios, pas graaaaave, une 100aine de mètres et je ne sentirai plus rien..." pour rentrer chez soi 2 minutes après en faisant la tronche avec les enfants qui te disent "Alors, bien couru ? Tiens, tu pues pas la transpiration pour une fois, tu t'améliores....", à quel moment on allait téléphoner à son ostéo sans avoir à se présenter parce qu'il reconnait notre voix direct ("Aaaah, mon patient préféré qui me paie mes vacances depuis 7 ans !!! Ca fait deux mois depuis la dernière fois, je croyais que vous étiez mort, je commençais à m'inquiéter..."), et bien courir sans devoir guetter la blessure imminente, c'est un luxe auquel on s'habitue très vite. Et du coup, on a l'impression d'enchainer les semaines tout en douceur, sans arrêt aux stands pour devoir mettre des pneux neufs.
Mais après, il y a quoi ? A vrai dire, je n'en sais rien.
J'envisageais le barefoot comme une façon de réapprendre à courir, ou pour être précis une occasion d'apprendre une bonne fois pour toute à BIEN courir, parce qu'avoir tant de pépins physiques, ça ne me paraissait pas normal. Le postulat initial était que si j'étais capable de courir barefoot, c'est que mon corps validait la pratique, et que par conséquent ce que je savais faire pieds nus serait alors du gateau avec des runnings aux pieds. Plutot logique, non ?
Mais comme le barefoot est à la base une pratique loin d'être répandue et pas franchement orthodoxe (ni très catholique d'ailleurs), je voyais tout de même ça (avant d'y avoir goûté) comme une sorte de parenthèse, une espèce de maîtresse honteuse que j'aurais vue en cachette dans un Formule 1 après le boulot (on a la classe ou on ne l'a pas), pour finalement lui dire au bout d'un an "On va s'arréter là tu sais. Toi et moi c'était uniquement pour l'hygiène, nous n'avons pas d'avenir à deux. Et ne tente même pas d'essayer de me contacter ou encore de tout raconter à mes runnings, j'ai des connaissances dans le milieu qui se feront un plaisir de t'envoyer au fond de la Deûle les deux pieds dans un bloc de béton." (Bouh ! Les pieds masculins sont vraiment tous des porcs ! Vous avez raison les filles.....)
1. Courir pieds nus me plait beaucoup, énormément même. Pas envie d'arréter donc, autant aller chercher le plaisir là où on sait qu'il se trouve. Je l'aime bien ma maîtresse moi d'abord.....
2. Je pense avoir assimilé la technique de base, même si elle reste encore à perfectionner. Le pied sous le centre de gravité, la cadence élevée 190 pas/minutes, la pose médio-pied, le gros orteil bien à l'aise pour jouer le rôle de stabilisateur (et hop, plus besoin de semelles pour compenser !), le corps très légèrement incliné vers l'avant, et surtout cette impression d'avancer sans faire le moindre effort (ou presque) en me laissant tomber vers l'avant dans une espèce de chûte contrôlée, c'est franchement du bonheur. Et la question que je me pose depuis quelques temps est : avec des pompes aux pieds, est-ce-que tu y arriveras aussi bien ? Est-ce-que ces satanés pompes ne vont pas géner cette mécanique bien huilée (attention, mécanique d'une petite Clio sans options, j'ai assez de recul sur moi-même pour savoir qu'on est à des années-lumière d'une Formule 1...) ?
Franchement, je n'en ai aucune idée, et je n'ai même pas envie d'essayer pour le moment. Peut-être ai-je peur de désapprendre progressivement, ou de me rendre compte que je ne pourrai pas retrouver les mêmes sensations qu'en barefoot, je n'en sais rien.....
Altra , mais également Vivobarefoot (la bien nommée), Merrell ou encore Inov-8, (pour ne citer que celles-là), ont tout compris au running naturel. Une bonne image valant parfois mieux qu'un long discours, matez-moi ça :